Le dilemme du client anxieux qui ne veut plus de relation avec l’entreprise

Quoi faire si le client est anxieux face à notre entreprise? Quoi faire si le client nous déteste parce qu’on existe tout simplement? Je vais tenter de répondre à ces deux questions en proposant des modèles économiques alternatifs à ceux que nous connaissons. (Ce billet est une réponse au texte « Impressions citadines par Catherine Dorion: Quitter Apple ».)

 

Résumé de la situation de C. Dorion, cliente insatisfaite de Apple

La cliente doit se déplacer chez la boutique Apple pour remplacer un fil dont elle sait qu’il est fabriqué de telle sorte à se briser par obsolescence planifiée (aussi nommé « obsolescence programmée »). Elle se questionne sur sa raison d’être cliente d’Apple.

La fatigue et la frustration du client

Du côté client, il y a les besoins et les désirs. L’être humain est un primate violent, doté de langage, capable de forger des outils grâce à la mobilité de son pouce, et il a un cerveau très complexe capable de plusieurs formes d’intelligences, dont la créativité. Voilà une définition bête et brutale, mais que je pense vraie, quoiqu’incomplète. En effet, l’être humain est aussi un être qui s’autocrée sa propre représentation de lui-même. Il repousse donc sans cesse sa propre définition. Cette définition-là est aussi teintée de mon expérience et elle porte en ce sens un biais expérimental, ce qui la rend imparfaite.

Selon les interprétations actuelles de la théorie de l’évolution auxquelles j’adhère, tout être humain veut la satisfaction de ses besoins et un environnement favorable à sa reproduction au sens très large du terme, au sens de préserver l’espèce humaine intacte et saine ou tout simplement préserver sa propre survie égocentrique. On me dit que Socrate pensait que tout le monde cherchait son propre bien, dans le sens de ne pas se nuire à soi-même. Freud nuancerait en parlant de pulsion de vie (Éros) et de pulsion de mort (Thanatos). Aujourd’hui, on parlerait peut-être davantage du principe d’autoconservation, qui implique le besoin, parfois, de détruire pour rester intact soi-même. Le mot « intact » est à comprendre de manière nuancée… Faisons court dans le contexte de ce blogue et disons simplement que l’être humain a un désir général puissant et régulier (voir même inconscient, automatique et imperturbable) à continuer de fonctionner sans souffrance. Je pense que cette conclusion ferait l’unanimité chez les philosophes d’aujourd’hui.

Donc, le client exige un état général d’harmonie, de paix sociale et de savoir-vivre. Un client peut souffrir d’anxiété sociale et avoir une vraie peur, une phobie sociale, une agoraphobie, ou une simple crainte des endroits bondés de monde. Il se peut aussi fort probablement dans nos sociétés de presse-citron ultracapitalistes que le client soit tout simplement brûlé. Les statistiques du taux de dépression des femmes sont d’ailleurs assez significatives pour que je mentionne ici que les Québécoises me semblent plutôt à bout de souffle. On sait aussi que l’épuisement professionnel (le fameux burn-out) n’est pas en bonne voie de diminuer compte tenu de la situation économique actuelle qui met de la pression en Occident et dans le monde. Le sujet des problèmes mentaux de la population est trop vaste ici pour être abordé en détail. Notons simplement ceci: si votre client semble fatigué, vous êtes dans la norme et pas dans l’exception à la règle. Quasiment tout le Québec 18-65 ans cherchent à concilier soit travail et famille ou travail et études, quand ce n’est pas la conciliation travail-étude-famille…

 

Du côté de l’entreprise: l’enjeu des finances

Du côté entreprise, le facteur économique (la croissance et les liquidités) est toujours l’enjeu principal. Si l’on n’a pas de récurrence d’achats de clients fidèles à la marque, on se plante le nez. Mais, il y a des alternatives.

 

Quelques modèles économiques alternatifs

Ces alternatives se nomment des « coopératives », « eco-friendly business », « environmentally friendly business », « entreprises écoresponsables » (responsabilité environnementale), « entreprises responsables », « sustainable business » ou encore « design driven ecosystems ».

Des marques avant-gardistes qui suivent ces principes suivent aussi souvent le principe Craddle-to-Craddle. Ça signifie qu’on tente de faire en sorte qu’un produit produise de la richesse. Par exemple, on crée un stylo qui peut être planté après usage pour devenir une plante.

 

L’option tabou: laisser le client se démerder

Il existe aussi l’autre option, encore moins tendance et même tabou, mais qui marche bien pourtant: laisser le client seul devant une machine très robuste qui fonctionne très bien et qui est à la fois ludique, sympathique et profitable à la communauté dans son ensemble. Par exemple: la machine pour payer un ticket de métro à Montréal. Ou encore cette expérience :

Même si la machine distributrice de billets de métro est imparfaite, elle répond bien au besoin: donner un ticket de métro. Tout le monde comprend ça, sauf quelques personnes très rares qui ont de toute manière besoin d’assistance en tout temps et qui reçoivent, nous l’espérons, un minimum de respect en raison de leur statut vulnérable.

La machine distributrice pourrait devenir une réelle option marketing viable pour un paquet d’entreprises. Voyez aussi cette expérience concluante:

Tesco: Homeplus Subway Virtual Store (Movie)

Ce que vous auriez peut-être aimé, Catherine Dorion, c’est si Apple ne vous avait pas forcée à vous déplacer et payer le gros prix pour un article qui va s’autodétruire évidemment.

Ce qui aurait pu avoir été imaginé, c’est l’accès rapide et peu cher à un fil au dépanneur du coin par exemple. Cela aurait pu être rentable pour vous et pour l’entreprise. On resterait dans le modèle capitaliste, mais ça serait viable. Ça ne serait plus aussi frustrant que de se sentir avalé par une marque de qui l’on ne veut, finalement, pas de contact humain parce que tout le monde sait qu’une marque, c’est impersonnel, bête et méchant dans un monde ultracapitaliste comme le nôtre.

 

En guise de conclusion

Le client d’aujourd’hui n’aime peut-être plus devoir à tout prix transiger directement avec la compagnie et devoir faire face à son anxiété sociale et son stress quotidien. C’est ma conclusion personnelle à observer mon quotidien et à lire beaucoup sur le sujet complexe du comportement du consommateur, en comparant différentes études, dont cette excellente analyse:

Plusieurs livres existent sur la théorie des jeux de Neumann. Pour débuter, je vous invite à visiter la page Wikipédia « Théories des jeux » vulgarisant ce sujet mieux que je ne pourrais vous le résumer. En bref:

La théorie des jeux est un ensemble d’outils pour analyser les situations dans lesquelles l’action optimale pour un agent dépend des anticipations qu’il forme sur la décision d’un autre agent. Cet agent peut être aussi bien une personne physique, une entreprise ou un animal. L’objectif de la théorie des jeux est de modéliser ces situations, de déterminer une stratégie optimale pour chacun des agents, de prédire l’équilibre du jeu et de trouver comment aboutir à une situation optimale. La théorie des jeux est très souvent utilisée en économie, en sciences politiques, en biologie ou encore en philosophie.

SOURCES

Les femmes souffrent davantage de dépression (Journal de Montréal, 2015)

Les deux plus grandes sources de stress pour les entrepreneurs (LesAffaires, 2016)

Alain Deneault, auteur et philosophe, il a écrit : La médiocratie et donné cette entrevue: Ces «médiocres» qui mènent le monde (Le Devoir, 2015)

Francis Cousin, auteur et philosophe, il a écrit : L’être contre l’avoir

André Moreau, auteur et philosophe, il a écrit : L’effort est le signe de l’erreur