Pour une éthique des médias sociaux en entreprise: mes petites conclusions

Si vous êtes sur le Web, vous connaissez probablement la nétiquette, qui est changeante, mais qui postule tout de même certains paramètres de base pour l’optimisation de la conversation sur Internet. Pourtant, êtes-vous déjà tombé sur une nétiquette des médias sociaux? J’en doute.

Mais que font les éthiciens?

Je ne sais pas ce que font les philosophes de l’éthique ces temps-ci, mais je me demande pourquoi le sujet de l’éthique des médias sociaux ne fait pas plus l’actualité que cela. Je veux dire: n’est-ce pas aux éthiciens, justement, de nous aider à rendre le monde plus éthique?

L’éthique des médias sociaux me semble un sujet d’envergure peut exploité par les éthiciens. Le sujet est d’autant plus brûlant que des adolescents en pleine construction identitaire sont souvent les premiers utilisateurs de ces plateformes de microblogging et d’échanges bidirectionnels.

J’imagine qu’il existe bien une thèse éclairante quelque part sur l’éthique des médias sociaux, alors j’ai fait un brin de recherche…

La Politique relative à l’utilisation des médias sociaux du CRDIQ (2012) liste une série de contenus litigieux:

Ainsi, au sens de la présente politique, on entend par contenu litigieux :

  • Contenu portant atteinte aux droits fondamentaux d’une personne, notamment au droit au respect de sa vie privée, de sa dignité, de sa réputation et de la confidentialité de ses renseignements personnels;

  • Contenu discriminatoire fondé sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation pour pallier ce handicap;

  • Contenu diffamatoire, de propagande ou irrespectueux (attaque, insulte, langage menaçant ou obscène, propos homophobes, harcèlement, chantage, images dégradantes, et autres);

  • Contenu disgracieux et déplacé;

  • Contenu commercial, publicitaire ou pourriel destiné à faire la promotion d’une idée, d’un service ou d’un bien matériel ou immatériel n’étant pas lié directement à la mission de l’établissement ou cautionné par celui-ci;

  • Contenu anonyme et répétitif;

  • Contenu illégal.

Dans Pour une éthique des médias sociaux (Infopresse, 2011), la chroniqueuse Nathalie Collard notait déjà l’intérêt pour un utilisateur des médias sociaux profitant de sa tribune pour faire de la publicité d’être transparent par rapport à son agenda. La norme veut d’ailleurs maintenant qu’on utilise le hashtag #ad ou #pub sur Twitter si on tweet un contenu purement publicitaire, subventionné par un tiers.

Plusieurs codes d’éthique médias sociaux disponibles sur Internet mentionnent l’importance de bien respecter la loi canadienne relative à ces trois points:

  • Liberté d’expression;
  • Confidentialité de l’information;
  • Droit à la vie privée.

L’article Information et médias sociaux, les défis de la qualité (Éthique publique, 2013) de Lise Millette donne quelques pistes d’information adressées précisément aux journalistes. J’y ai trouvé peu d’écho pour les PME.

Quand un employé médit sur Facebook (Me Marie-Josée Siguoin, C.R.I.A., Les avocats Le Corre & Associés) indique que :

(…) les tribunaux sont sévères envers les employés qui se servent des médias sociaux pour publier des propos pouvant porter atteinte à la réputation de l’employeur ou des propos désobligeants, insolents ou pouvant porter atteinte à la dignité.

Le document Les médecins et les médias sociaux : Rapport du groupe de travail en éthique clinique (Collège des médecins du Québec, 2012) évoque la problématique de la relation thérapeutique existant entre un patient et son médecin et y apporte des pistes de réflexions précises. Un document utile pour tout professionnel de la santé, mais peu pertinent en dehors de ce cadre.

Dans Ethique et civilités sur les médias sociaux (Université de Yaoundé II, 2013) Pierrette Essama invite à la tempérance:

Avoir  de  la  tempérance  et  inviter  à  la  tempérance dans les propos

Le dictionnaire Larousse définit la « tempérance » ainsi:

Une des quatre vertus morales, dites vertus cardinales, qui discipline les désirs et les passions humaines.

Dans le cadre de l’usage des médias sociaux, j’imagine qu’on peut comprendre la tempérance comme la manière dont on modère le ton de son message en utilisant des mots et des expressions posées, voir relativement neutres. En ce sens, l’impulsivité de la réponse sur le média social semble une erreur à éviter. C’est d’ailleurs le point qui revient le plus de ma courte recherche: penser avant de communiquer son message sur les réseaux sociaux.

En débats ou colloques, on souligne souvent l’importance pour un gestionnaire médias sociaux d’être doté d’un bon sens du jugement. Il faut savoir quoi publier et quoi ne pas publier en fonction de l’intérêt de l’entreprise. On mentionne aussi dans certains textes que l’intérêt de la collectivité est plus grande que celle de l’individu. On souligne par ailleurs parfois, rarement, que la personne vulnérable (personne handicapée par exemple ou exclue socialement en raison de sa couleur de peau) devrait privilégier d’un traitement particulier, d’un respect plus profond. Ainsi, le cas d’un individu qui harcèlerait vivement une personne affichée de façon transparente comme vulnérable devrait recevoir une punition plus grande compte tenu de la plus grande gravité de son geste, en opposé à une moins grande punition si l’individu qui harcèle s’attaque à un individu de stature politique imposante, comme un chef d’État. (Là-dessus, au point de vue légal, je suis loin d’être un expert. Il faudrait consulter un avocat spécialisé en droit d’expression.)

ONA Social Newsgathering Ethics Code semble inviter l’utilisateur médias sociaux à citer ses sources, être transparent et tenir compte de l’état émotionnel de son interlocuteur (ou destinataire) sur les médias sociaux:

(…)

Considering the the emotional state and safety of contributors.

(…)

Giving due credit to the owner of the content providing that consideration has been given to potential consequences, including their physical, mental and reputational well-being.

(…)

Parmi les éléments clés de la nétiquette de Wikipédia, on peut lire entre autre ceci à propos des lieux de conversation partagés (forums):

Que ce soit sur les forums, Usenet ou dans les mailing lists, en plus des règles liées à l’usage de l’écrit, il est mal vu de poser une question dont la réponse aurait pu être trouvée moyennant une recherche préalable, ou de la poser plusieurs fois à différents endroits. Sur les sujets communs, la plupart des questions ont souvent déjà été posées et les réponses données.

Chaque nouveau sujet possède également un titre et celui-ci doit d’être précis et concis (ex. : Comparatif des souris Optiques et Laser, contre-ex. : Questions, Aidez moi).

Mon expérience personnelle

Personnellement, j’ai rencontré assez de trolls dans ma courte vie sur les médias sociaux pour déduire qu’ils sont souvent effectivement narcissiques, manipulateurs et potentiellement psychopathes. J’utilise le mot « psychopathe » en bonne connaissance du sujet. Je parle ici de gens dont la capacité d’empathie, le sentiment de peur face à la confrontation injustifiée et le sentiment de culpabilité sont généralement déficients, c’est-à-dire largement en dessous de ce qu’on attend culturellement pour rester en mode « civilisé ».

Je suis actif sur les médias sociaux depuis 2009. J’ai connu les débuts de Twitter, alors que les trolls n’étaient pas si nombreux qu’aujourd’hui dans le WebKeb (le Web québécois). Je suis aussi très actif sur Facebook. J’ai un compte Linked-In, Youtube et Google Plus. Je ne suis pas encore sur Pinterest, Instagram et Snapchat, même si je m’intéresse à ces plateformes pour des raisons professionnelles. Je m’intéresse aussi à la culture de Twitch et à celle d’autres plateformes de diffusion de vidéos en direct.

Malgré mes recherches, je n’ai pas trouvé de nétiquette des médias sociaux qui me semble adéquate à ma pratique professionnelle. On tombe ça et là sur des directives globales, comme cet excellent diagramme, tiré du blogue de Michelle Blanc, « US Air Force, Vos enjeux de relations publiques 2.0 peuvent difficilement être pires que les leurs » (version révisée) :

US_Air_Force_Web_Posting_Response_Assessment

Ce genre d’outil me semble vraiment mieux adapté à la gestion des réseaux sociaux en 2016 que les codes d’éthiques sur lesquels je suis tombé.

Dans ma carrière de consultant, j’ai été mis face au besoin de catégoriser mes clients toxiques sur les médias sociaux. J’en ai fait un billet que je vous invite à consulter: « Le 10% de pourris en affaires et reconnaître les clients toxiques ».

Utilisation des médias sociaux recommandée en entreprise

En guise de conclusion, j’offre mes quelques directives à l’endroit des entreprises et de leurs gestionnaires médias sociaux. Notez qu’ici l’expression « clientèle » regroupe tout utilisateur des médias sociaux et tout internaute susceptible d’entrer dans la conversation. J’utilise ici une vieille manière de concevoir la clientèle comme étant l’ensemble des prospect susceptibles d’acheter chez une entreprise donnée.

Voici donc mes directives:

Avant d’entrer sur les médias sociaux:

  • Comme entreprise, dotez-vous d’une charte des valeurs et d’un code de conduite relatif à la gestion de crise et l’utilisation générale des médias sociaux;
  • Déterminez votre niveau de risque à entrer en crise et mesurez l’évolution (monitoring, veille) de la situation de non-crise jusqu’à crise et retour à la normale;
  • Engagez des professionnels en gestion des médias sociaux en les évaluant selon leur capacité à gérer des crises, leur intelligence émotionnelle, leur empathie et leur bon jugement en général.

En temps de crise:

  • Appliquez le protocole de la US Air Force cité plus haut;
  • Développez une intelligence émotionnelle envers l’interlocuteur :

Après la crise:

  • Faîtes du debreifing afin de repérer vos bons coups et vos mauvais coups.

En temps normal:

  • Analysez le type de relation que vous avez avec la clientèle, le degré de vulnérabilité de la clientèle et son degré d’intelligence émotionnelle (réceptivité au message);
  • Ne portez pas de masque et soyez transparent;
  • Détectez les regroupements (clusters, microsociétés, phénomènes de gangs, flash mob) susceptibles de vous mettre en état de destabilisation, voir de crise, et mesurez les communications attentivement dans ces regroupements;
  • Soyez tempéré, c’est-à-dire qu’il est déconseillé d’être impulsif et d’utiliser un ton, des expressions et un message (visuel, auditif, etc.) qui soit émotionnellement conflictuel par rapport à la clientèle (au sens large de communauté qui navigue sur le Web).

Je vous invite à me consulter si vous cherchez à mieux organiser votre équipe de vente en général. Si vous aimez ce billet, vous aimerez aussi ma conférence « Vendre et servir les clients à l’ère d’Internet » que voici:

NOTE: Je ne prétends pas être spécialiste en éthique, en gestion de crise ou en utilisation des médias sociaux. Ces conclusions représentent mon expérience personnelle. J’ai moi-même fait des erreurs en gestion médias sociaux et je ne me présente pas comme un exemple à suivre.

Publicité

Une réflexion au sujet de « Pour une éthique des médias sociaux en entreprise: mes petites conclusions »

Les commentaires sont fermés.