Dans mon billet « Le dilemme du client anxieux qui ne veut plus de relation avec l’entreprise », j’ai tracé un court portrait du client comme une personne qui cherche à éviter la souffrance. J’ajoute aujourd’hui d’autres considérations au sujet de sa personnalité.
Un client a d’abord une personnalité propre avant d’entrer en relation avec l’entreprise, la marque et l’imaginaire de la marque. Bref, il existe avant de connaître ce qui constitue le paraître de la personnalité de la marque (brand identity).
Plus cette personnalité du client se trouve en cohérence confortable avec la personnalité de la marque et plus le rapport entre la marque et l’individu se fait sans irritation pour le client. Le client incorpore la marque dans son identité quand cette marque lui permet à répétition de se nommer lui-même et de s’identifier en opposition aux autres ou par rapport aux autres dans un cadre de référence (voir Heidegger, Identité et différence).
L’irruption de la personnalité chez l’humain se fait comme une succession de couches liées par l’égo comme sous la forme d’un iceberg dont la surface (ce qui est conscient) ne révèle qu’une petite partie du tout (ce qui est inconscient). Du moins, c’est la définition de l’inconscient pour Freud. J’ajouterais que cet égo est régi par des principes physiques comme les limites matérielles du corps et que c’est en rapport avec les limites de son corps que l’individu crée les limites de son égo. Il y a un rapport étroit entre la façon dont on se représente et la manière dont on se représente avec son corps. L’esprit me semble donc se créer autour de l’égo comme pour ajouter du sens à l’absurdité de la matière du corps limitant l’expansion et l’épanouissement de l’individu.
Les individus traversant des traumatismes vivent parfois les résurgences à la surface de leur conscience de sous-couches de leur personnalité, ce qui peut les troubler profondément. Cette prise de conscience les pousse parfois à l’autodestruction. Le phénomène controversé de personnalité multiple (une théorie débattue dans les universités sous le synonyme « trouble de la personnalité multiple » ou « trouble dissociatif de l’identité ») me permet de penser que le mental de l’individu fonctionne par un phénomène de cristallisation de la personnalité. Chez les individus très blessés psychologiquement dans leur développement, cette cristallisation se fait mal. Il y a donc souffrance profonde, voir dissociation.
La personnalité est un peu la partie de soi qui est similaire d’un événement à l’autre dans la vie. L’identité, étymologiquement, ça signifie « le même » ou « pareil à soi-même ». Un client s’oriente vers une marque ou vers une autre selon son identité et sa manière de se percevoir lui-même (son concept de soi). Personnalité provient du mot « persona », littéralement : « masque ». L’idée de se représenter soi-même socialement, c’est se créer un masque…
L’estime de soi, qui est un jugement de valeur porté sur soi-même par rapport à son niveau de compétence par exemple ou son apparence générale, influence aussi le comportement de l’individu.
Pour terminer, l’historique des comportements du client est un indicateur de ses comportements futurs.
La personnalité se forme essentiellement au cours du développement de l’enfant, mais cette personnalité n’est pas coulée dans le béton et elle est influencée par l’historique de vie du sujet. Par exemple, un individu particulièrement introverti peut sortir de sa coquille comme on dit à force de s’entraîner. Le cerveau peut aussi s’adapter à des traumatismes.
La personnalité, c’est un peu la mélodie qui joue dans le subconscient du client et qui lui indique sur quel pat danser. Par dessus cette mélodie, il y a des paroles, qui sont l’équivalent des pensées. Certaines pensées puisent leurs racines très profondément dans l’historique de vie du client de sorte qu’on pourrait dire, métaphoriquement, que la pensée était d’abord une mélodie désaccordée, puis raccordée, implicite et puis ensuite explicite et consciente.
Certaines pensées n’émergent pas à la conscience sans difficulté en raison des complexes issus du rapport du client avec la frustration et ses pulsions.
Si je reprends ma métaphore de la mélodie, on peut dire que certaines marques ont des mélodies qui s’associent bien à la mélodie/personnalité initiale du client de sorte à créer un accord.
Certains stimuli perçus par les sens s’accordent si bien avec la personnalité du client qu’il les incorpore dans sa définition de son identité. Par exemple: « Je suis grand comme Michael Jordan. »
D’autres stimuli sont si bien mémorisés qu’ils sont la base de développements psychiques complexes comme un embranchement de concepts plus ou moins bien hiérarchisés. Par exemple: « Je suis un adolescent, je porte donc des jeans Levi Strauss et Co. » Le lien ici est moins évident…
L’idée de faire pénétrer l’imaginaire de la marque dans le cerveau de l’enfant est logique d’un point de vue marketing, mais non éthique, parce que plus la marque réussie à s’imprégner dans l’identité du client et plus le client sera prompt à se sentir confortable avec cette marque. Il sera donc plus enclin à acheter ce que cette marque vend. D’un autre côté, ça le rend inconsciemment sujet à la manipulation de l’entreprise à la source de la marque…
Si ce sujet de la publicité adressée aux enfants vous intéresse, visionnez cet excellent documentaire: The Corporation (Mark Achbar, Jennifer Abbott, 2003).
the corporation – advertisements targeting children
Mon background en psychologie m’aide à vous faire décoder votre client. N’hésitez pas à me contacter pour en savoir plus.