La leçon d’une vie: comment j’ai appris à gérer les échecs au lieu de les éviter

En ce lendemain de Journée mondiale de la prévention du suicide, je me permets de quitter la ligne éditoriale habituelle de ce blogue pour vous raconter comment j’ai surmonté un moment très noir de mon existence. Je vous en informe parce que je pense que j’ai appris durant cet épisode de ma vie les outils essentiels au métier très ardu d’entrepreneur. Aujourd’hui, je me livre à nu devant vous.

Je prends un simple moment pour indiquer que la vie d’entrepreneur est reconnue par nombre de spécialistes de la gestion comme étant particulièrement éprouvante. Ce métier qui n’en est pas un comporte son lot de hauts et de bas. C’est un manège furieux qui rend anxieux et même paranoïaque. Le stress est soutenu. Les entrepreneurs que je croise sont souvent tendus et ils souffrent de solitude. Il n’est donc pas rare à mes yeux que les entrepreneurs aient des idées noires.

2013 a été le fond du baril

Des années de galère m’ont appris à gérer les fails dans ma vie. Je me souviens d’un moment très creux où j’étais à deux doigts de la catastrophe. Replongez avec moi dans le côté sombre de la Force…

Il y a quelques années, en 2013, j’ai été frappé par un diagnostique médical qui a changé ma vie. Mes proches savent que j’étais alors très malade au point de ne plus être capable de fonctionner. J’étais rendu si malade que je n’arrivais plus à travailler. Et pourtant, je travaillais encore. J’agissais comme un automate, en ne prenant pas la peine de tout simplement guérir.

Pour faire une histoire courte, j’étais à un point dans ma vie où je n’avais plus rien à perdre parce que j’avais tout perdu. J’avais tout perdu: ma santé, mon moral, ma petite amie… Mes performances sportives, scolaires et au travail étaient minables, médiocres. Je combattais un puissant trouble de stress post-traumatique qui ne faisait qu’empirer. Sans entrer dans les détails, disons que je n’étais plus moi-même.

Je me souviens des nuits passées à l’Urgence du CHUL à chercher un médecin compétent, capable de me soigner. Je me souviens de mes errances dans la ville, où je marchais jusqu’à l’épuisement en cherchant des solutions à ma situation. J’étais face à un énorme cul-de-sac et j’étais devenu un mort-vivant en quête de soulagement.

Je passais alors beaucoup de temps à écouter en boucle cette piste musicale dépressive et hypnotisante:

Arvo Pärt. Fur Alina.

Pour dire les choses simplement, je dirais que j’ai eu des idées suicidaires. Je n’avais pas de plan, pas de scénario. Je voulais tout simplement arrêter de souffrir. Plus précisément, je me souviens que ce que je désirais le plus profondément du monde, c’était de trouver le but de la vie sans être capable de le trouver. (Je dois dire que ce passage m’a fait comprendre que la vie est absurde et cruelle et que le but de la vie, c’est une création de l’esprit, une abstraction. Ce qui donne le plus de sens à ma vie, ce sont les interrelations que j’entretiens avec mes proches, combiné à un sentiment que je peux laisser un héritage sur Terre.)

Durant ce moment-là de ma vie, au plus creux de la vague, une des phrases qui m’a le plus consolé était celle-ci:

Perdre son mental est le deuil le plus souffrant au monde.

Lorsque ma vie ne restait qu’à un fil, je me disais: « Je ne peux pas être plus triste que maintenant. » Il y avait quelque chose de soulageant dans l’idée que lorsque j’aurais passé au travers de ma torture, j’aurais traversé la chose la plus insupportable au monde: le deuil de mon propre mental.

Je ne détaillerai pas mon dossier médical. Simplement, retenez que j’étais complètement inapte au travail. Et pourtant, je m’étais obligé à continuer à travailler. J’avais la tête dure: il fallait continuer à étudier et à travailler. Il fallait éviter de demander du soutien. Comme beaucoup d’hommes en détresse, j’avais le réflexe de me retrousser les manches et de me forcer à travailler alors que pourtant j’étais visiblement inapte et dans une pente descendante.

Plus ça allait et plus je perdais mon argent, cet argent que j’avais mis des années à amasser pour éviter de me retrouver paumé. Le pire, c’était que je vidais mon compte en banque et que l’argent que je faisais ne couvrait même pas mes frais courants. À ce moment, je me rappelle que je me sentais coupable de ne pas avoir plus donné d’argent aux pauvres dans ma vie. L’idée que je n’avais pas utilisé mon argent pour aider les autres me rentrait droit au coeur comme un poignard.

Pour être bien franc avec vous, disons que j’étais à deux doigts de m’autodétruire à force de m’épuiser. J’étais tellement exaspéré que j’en étais venu à me concevoir comme un être malchanceux de nature. Cet étiquette (ce label) a été la pire pensée qui m’ait jamais traversé l’esprit. Ce concevoir comme une personne malchanceuse, c’est littéralement se créer un mindset de loser. C’est une prophétie autoréalisatrice: si je pense que je suis un loser, je deviens un loser.

Imaginez un peu mon état: j’étais malade, exaspéré, épuisé, et je m’efforçais à bosser et à dépenser ce qui pouvait me rester d’énergie dans les études et le travail.

Quand j’y repense, j’avais en dedans de ma tête une sorte de besoin hyper tenace de faire des efforts dans le vide. C’est particulier en y repensant. Ça n’avait pas de sens. Bosser pour bosser, jusqu’à l’épuisement total. Ça n’avait aucun sens…

Plongée dans ma psychologie

Si je cherche la source de cet état de dysfonctionnement, je crois que je dois puiser dans mon histoire personnelle le fait que j’ai toujours été très compétitif et limite mégalomane dans tout ce que je faisais. Je pense que mon côté compétitif était alors littéralement en train de me tuer. C’est bête, mais c’était ça. J’ai un gros problème avec la compétition. Je déteste lorsque je suis mis à l’écart d’une activité parce que ça pourrait me blesser. Ce n’est pas exactement de la témérité. C’est plus… disons… une putain d’envie de relever des défis insurmontables même si ça me tue dans le processus.

Maintenant que vous savez que j’aborde la vie d’emblée avec le désir d’être compétitif, vous découvrez sous mon masque de petit rigolo que je suis complètement obsédé par le fait de surmonter des obstacles. J’ai déjà entendu quelqu’un dire que les programmeurs informatiques capotent sur le fait de réussir un projet qui semble impossible. Moi, je capote sur le fait de trouver un moyen adapté de surmonter un défi. Plus le problème est complexe, plus je suis passionné à le résoudre.

J’ai un sacré problème auquel je dois appliquer mentalement un cran d’arrêt: je suis programmé par mon environnement et ma génétique à être un coyote. Comme enfant, mon surnom c’était: « mon petit loup ». Ça veut tout dire. Une fois à l’école, on m’a vite placé dans la position de celui de qui on attendait mieux que les autres. Je dois dire que ce n’est pas le genre de message qu’on dit sans conséquence. J’ai un sacré complexe qui vient de mon angoisse de ne pas être à la hauteur des attentes…

Ce côté malfamé qui me caractérise est aussi exacerbé par le fait que j’ai littéralement passé l’année quatre de mon enfance à lutter pour la vie alors que j’étais atteint d’une saloperie de maladie pulmonaire qui faisait en sorte que ma mère devait me traîner à l’urgence à toutes les semaines ou presque. J’ai littéralement passé un an complète de mon enfance à lutter pour ma vie. Disons qu’on peut difficilement dire de moi que je ne suis pas un espèce de survivant déterminé à gagner le jeu de la vie. Je suis un type pour qui être déterminé est devenu une seconde nature.

Concrètement, avec ce bagage-là, vous comprendrez que je ne lâche pas facilement le morceau. Je suis entêté. Je suis déterminé. Tellement que ça m’a rendu complètement dingue en 2013.

Se relever d’un carcan mental comme le mien n’a pas été facile et c’est pour cela que j’ai galéré.

Mais toute cette misère a fini par faire du sens une fois que j’ai accepté que j’exigeais de moi-même d’être un espèce de surhomme. Une fois ce diagnostique fait, et une fois enlevée l’idée que j’étais tout simplement malchanceux, les choses ont beaucoup mieux été.

C’est incroyable quand j’y repense à quel point l’idée « je suis malchanceux » plus « je dois persévérer » était complètement autodestructrice.

Réapprendre à penser

Si je suis ici en vie aujourd’hui, c’est parce que j’ai travaillé à me reformater l’esprit.

J’ai appris de ce fâcheux épisode de ma vie deux choses majeures que je partage avec vous:

  1. Les pensées toxiques peuvent pousser à l’autodestruction;
  2. Être entouré de gens toxiques au plan émotionnel est très dangereux.

J’ai aussi fait des constats beaucoup plus terre-à-terre. J’ai appris à dire que le génie vient souvent en flânant et en déambulant. Pas en forçant dans le vide.

L’effort est le signe de l’erreur. – André Moreau

J’ai aussi réalisé que nous sommes littéralement nos pires ennemis. Qu’on aille au paradis ou en enfer, nous sommes incapables de nous séparer de nous-mêmes, alors il vaut mieux apprendre à s’aimer.

J’ai compris qu’automatiser un processus demande un grand travail au départ, mais que ça libère ensuite trop d’énergie pour simplement ne pas se mettre en action. C’est très rentable de forcer au départ si ça occasionne un mouvement automatique par la suite. Par exemple, démarrer un moulin à eau demande un grand effort de menuiserie, mais une fois activé, le moulin sera très performant et il redonnera beaucoup plus que ce qu’il a coûté.

Puis, j’ai appris à faire face aux échecs en réalisant des bilans et des comptes rendus. Le simple fait d’écrire sur papier un inventaire de ce qu’on possède permet de dédramatiser la perte. Avec cet inventaire, on peut ensuite redémarrer les actions menant à un gain. J’ai appris cela du livre Le secret d’un homme riche de Manon Raiche.

Écrire un journal intime est aussi un moyen très puissant pour prendre conscience des moments de détresse et de dysfonctionnement qu’on vit inconsciemment.

Concrètement, j’ai aussi découvert que les échecs peuvent être surmontés lorsqu’on suit ces quelques étapes:

  1. Dans une crise, se comporter comme de l’eau en étant à la fois fluide et fort face au danger. C’est un conseil donné par le maître de Confucius. Agir comme l’eau, c’est être résilient;
  2. Circonscrire la crise en déterminant les facteurs causant les symptômes;
  3. Sortir de la crise avec l’aide des autres et de technologies augmentant notre énergie et notre impact sur la crise;
  4. Prendre un temps d’arrêt pour retrouver la santé en profitant des fruits de la Nature;
  5. Pendant cet arrêt, faire un inventaire complet de la situation. Sans un bon diagnostic, le remède n’a pas l’effet escompté;
  6. S’entourer de gens positifs et faire un débriefing de la situation avec eux pour ventiler ses émotions;
  7. Identifier les émotions en jeu et concentrer son attention sur l’amour et ce que l’amour signifie pour soi;
  8. Une fois en situation de stabilité, remettre en action les outils à notre disposition pour automatiser les actions menant au succès (exemple: repartir un moulin à eau).

En guise de conclusion

Pour conclure, je vous encourage à prendre conscience des pensées et des personnes qui vous font avancer dans la vie. Repérez ces scripts que vous vous dîtes dans votre tête et changez votre manière de vous concevoir vous-même. Prenez le temps de faire le bilan de votre situation, appelez à l’aide au besoin et n’hésitez pas à vous présenter à l’Urgence et consulter votre médecin si vous avez des idées noires. Le premier pas vers le bonheur est le plus difficile. On vit le bonheur lorsque ce qui fait mal n’a plus d’emprise sur nous.

Si vous êtes en état de crise ou de détresse, n’hésitez pas à appeler une ligne d’aide immédiatement ou composez le 9-1-1.

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***NOTICE: Comme coach, je ne suis pas habileté à soulager la souffrance psychologique. Consultez un psychologue reconnu par son ordre professionnel au besoin. Selon l’Ordre des psychologues du Québec:

Le coaching vise l’actualisation du potentiel par le développement de talents, ressources ou habiletés de personnes qui ne sont ni en détresse, ni en souffrance qui expriment des besoins particuliers en matière de réalisations personnelles ou professionnelles.

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